La diatribe de Peret

En 1921, dans une lettre écrite à un ami, Joan Miró, à propos des fleurs quil est en train de peindre, explique quil a choisi la peinture à lSuf parce que cette méthode demande du métier, lamour de la technique, lhumilité de louvrier et le feu du volcan dans lâme pour que celle-ci brûle continuellement et pas seulement à intervalles. La cohérence est absolue entre les propos de Miró et son Suvre. On peut retrouver cette cohérence dans les travaux de certains graphistes qui ont su, par leur exigence, élever le seuil de la pratique professionnelle. Hélas ! Jai limpression quactuellement, à quelques rares exceptions près, le graphisme est devenu un feu dartifices où chacun rivalise en bruit et en éclat, mais où il ne reste que de la fumée vite disparue.

Cest une évidence, lordinateur a radicalement modifié la pratique du graphisme. Il est loutil par excellence, personne nen doute, mais si lon y regarde de plus près, quest-ce quon trouve ? Une banalisation croissante de la communication visuelle. Des images parfois splendides mais souvent creuses, insignifiantes, plates et sans aucun concept leur donnant consistance. On est bien loin de la poésie de Depero, de Cassandre, de Grignani, de Rodchenko ou de Tomaszewski; de la rigueur de Müller-Brockmann, de Zwart ou de Lubalin ; de la causticité de Grapus ; de lhumour de Glaser ; de la puissance de Cieslewicz ; pour nen citer que quelques-uns. Ainsi peut-on voir partout un nouveau maniérisme simposer, grâce à une pléthore enthousiaste de graphistes virtuoses du Macintosh. Mais la virtuosité, on le sait, nest que lapanage des médiocres. Un virtuose ne surprend jamais dans la mesure où il se borne à produire leffet quon attend de lui. Il manque en général dâme et de profondeur. Personne ne peut dire quêtre graphiste soit une chose facile.

Le graphiste a une responsabilité morale et éthique puisquil réalise des messages adressés à la société. Cette responsabilité exige de lui quil introduise les éléments chargés de sens pour inciter à la réflexion, ou au moins, pour ne pas collaborer à labêtissement et laliénation des gens. Sans se faire trop dillusions, mais avec une certaine exigence critique, pourquoi ne pas revendiquer, à linstar de lhomme de la Renaissance, le retour aux idées et aussi à lesprit des avant-gardes et des mouvements utopistes? Fuyons les impératifs des modes, ainsi que la platitude contemporaine et retrouvons une voix propre au sein de la communication visuelle.

Pour illustrer cette petite diatribe, jai proposé à Isidro Ferrer, Raúl, Flavio Morais et Marc Taeger, tous des complices, de maccompagner dans la tentative de traduire en images un texte du XVIIe siècle riche en symboles et métaphores, de Baltasar Gracián, qui esquisse lemploi du temps dune vie bien remplie dédiée à létude, au voyage et à la réflexion. Pourquoi choisir un écrivain espagnol du Siècle dOr pour parler de communication au début du XXIe siècle ? Parce que si on peut admettre que le monde nest plus le même, les problèmes et les peurs essentielles de lhomme moderne ne diffèrent pas beaucoup de ceux de lhomme dil y a quatre cents ans. Nous restons pris dans une réalité qui nous échappe et faisons ce que nous pouvons pour y comprendre quelque chose. Ainsi donc, on ne saurait être plus actuel dans ce pari. D'autant que lauteur auquel nous rendons hommage fait preuve d'un mordant et d'une vivacité qui ne témoignent malheureusement pas de l'esprit du moment.

Le résultat, cest cette installation que nous aimerions partager avec vous. Que chacun en tire ses propres conclusions. Comme dit Boby Lapointe : "comprend qui veut, comprend qui peut"&

Peret

*La diatribe
de Peret

Le texte
de Gracián&

Les personnages
Baltasar Gracian
Peret
Isidro Ferrer
Flavio Morais
Raúl
Marc Taeger

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