Je me souviens&

Je me souviens du plaisir secret à voir limage multipliée modifier le paysage de la rue, nul ne pouvait le partager car cet acte nétait ni valorisé ni valorisant. Je me souviens de ceux qui, en me demandant des images, en les faisant accepter, les faisant vivre, me faisaient vivre.

Je me souviens quà mes yeux, ces images étaient souvent décevantes, vu lambition initiale, je me souviens de la rage de tous ces actes manqués, je me souviens aussi des rares moments de jubilation intérieure quand parfois, lespace dune minute, je flottais dans lillusion davoir réussi, réussi quoi, je ne saurais le dire. Je me souviens que ce que je ressentais ne dépendait pas de lavis des autres, on nentend en général que des politesses. Pas toujours.

Je me souviens que les critiques, aussi méchantes ou bêtes fussent-elles, avaient, une fois dissipé leur effet ravageur, pour résultat de me conforter dans la rage de tout pulvériser dans la prochaine image, merci les nains, entretenez le feu ! Je me souviens des aventures partagées, des amitiés nées des affiches, et aussi des trahisons, des abandons qui vous laissent la gueule et le cSur de bois et des illusions perdues&

En réalité je ne me souviens pas, je dis je me souviens mais je parle de ce qui me meut (du verbe mouvoir), de ce qui mémeut, là, aujourdhui, maintenant. Lidée de rétrospective me fait peur, comme si lheure était déjà aux bilans, je laccepte par politesse, je ne la recherche pas, et pourtant jaime bien ces anciennes affiches, témoignages parmi dautres de petits instants dérobés à la mort.

Alain Le Quernec

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Le Quernec vu par Michel Bouvet

Je me souviens&

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